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les présidentielles

summum ou minimum

de la démocratie ?

samedi 25 février 2012, par Jean Pierre


Nous sommes en pleine élection présidentielle.
- Devenue l’opération primordiale de la démocratie occidentale, qui serait le modèle universel de la démocratie en ce début de 21 ème siècle. Chose grave, car la personne élue disposera du pouvoir considérable, même contre l’avis du peuple, de décider pendant cinq ans de ce qui sera légitime ou pas.-

Chacun-e des candidat-e-s peaufine sa posture télévisuelle.-

Car la grande divinité de notre époque, la télévision, s’en mêle, et pas qu’un peu ! Le ou la candidat-e doit s’efforcer d’apparaître comme étant une personnalité hors du commun. D’ abord se montrer capable de gagner la confiance du peuple. Tous les moyens semblent bons pourvu qu’ils y parviennent. « Les promesses n’engagent que ceux qui y croient », etc… Cela relève autant du comédien ( on se souvient de Reagan) que de l’avocat ( j’imagine à qui vous pensez) , ou enfin du tribun. Car l’image est souveraine dans ce type d’élection. Image pour image, je propose celle-ci :

Allégorie de la simulation, de Lorenzo Lippi.(1)

Dans la main gauche, : - voyez le symbole de la pureté,- de la vérité.-

Chaque candidat-e doit se montrer comme étant capable seul-e de résoudre tous les problèmes, de déjouer tous les pièges, de vaincre tous les obstacles, d’avoir le courage de s’attaquer aux montagnes, qui apparaissent bien financières ces temps-ci.-

Ça fait ZORRO qui arrive à temps, ne pensez -vous pas ? Un homme seul dont l’action change la destinée de tous : DE GAULLE, ce génie qui aima la patrie un peu à la façon des rois, voulut incarner ce sur-homme, et établit ce système présidentialiste pour lui-même. Mais la chose fut peaufinée ensuite à plusieurs reprises, et Jospin lui apporta la touche finale en la faisant précéder les élections des députés. Et depuis ce monstre écrase tout le système politique.-

Cette élection est-elle le summum de la démocratie, ou son minimum ? Est-elle sublime, ou frise-telle désormais le ridicule ? -

Il y a le champion de la new langue orfèvre à retourner le sens des mots : la réforme, le modernisme, à le suivre, ce serait le retour en arrière toute où nous serions privés d’acquis sociaux et de services publics.-

Sortis de Londres, des propos éclairent sur le détournement de l’espoir, et nous voilà condamnés déjà au deuxième tour à conforter la confusion menant à toutes les déceptions.-

Et puis pour serrer ce carcan bipartiste, voilà les médias courant à revivifier le monstre du vichysme raciste.-

Constatons bien combien il y a profusion de faits et de penseurs (2) pour indiquer le plein de la crise de ces institutions représentatives qui ne représentent plus le peuple depuis trop longtemps. N’oublions pas la pensée lucidement antidémocratique de Siéyès ( 1) « le peuple n’existe pas, il n’existe que par ses représentants ». -

La question à résoudre dans le temps qui vient, c’est cette désappropriation de la politique infligée au peuple par les institutions d’aujourd’hui.-

Malheureusement, même parmi les démocrates, constatons combien en restent à une vague sympathie pour le peuple, mais il ne faut pas aller bien loin pour mesurer l’abime de scepticisme quant à la capacité accordée au peuple d’approfondir les questions pour être en mesure de décider lui-même.-

Mesure t-on assez que la passivité du peuple est le résultat de dizaines de siècles pendant lesquels on lui a imposé d’obéir à une couronne autorisée par le pape, suivis de quelques autres siècles où on ne lui a offert que d’abandonner sa souveraineté pour la confiance à accorder à des partis qui se passent bien de lui pour décider.-

( Occasion obligée de revenir à De Gaulle qui vouait son mépris au système des partis.

- Mais les partis ne peuvent pas s’en tirer grâce à ce mépris du grand monarque qui a institué la cinquième république. Car il faut également se souvenir de Roger Martin du Gard. Ce grand écrivain progressiste avait posé la question après la victoire des dreyfusards. Les partis avaient trainé les pieds, laissant le premier travail, le plus difficile, à de simples citoyens. Ce qui ne les empêcha pas, s’étant rangés à temps du bon côté, de se presser à l’arrivée, au moment des lauriers, et d’empocher les bénéfices de la victoire de l’humain d’abord de cette bataille !-

Faire la politique à la place des gens, c’est encore la méthode préférée jusqu’à aujourd’hui par les partis. Elle est désormais en question. Le passé héroïque d’émancipateur des couches populaires de partis comme le parti communiste français ne peut exonérer en aucune façon aujourd’hui de contribuer à ouvrir le chemin qui reste à défricher demain. Permettre aux citoyens de décider eux –mêmes, c’est le but à atteindre. -

Pour cela il faudra se défaire de l’abus de votes, nous reviendrons ce qui parait aujourd’hui comme un mauvais paradoxe, tant les forces conservatrices sont passées orfèvres dans l’art de gagner les élections qui lui permettent de s’opposer à la vraie volonté du peuple.-

Que chaque citoyen puisse approfondir chaque question publique au point d’être décideur, notons que c’était l’idéal de Marx, de Lénine : il y a des textes qui le disent précisément : que la plus simple ouvrière puisse décider. Certes l’histoire faite hier au nom de cet idéal lui a tourné le dos. Ce n’est pas la preuve que ce n’est pas possible, c’est la preuve que c’était une impasse d’empêcher une vraie implication citoyenne.

Il n’y a que Mélenchon pour proposer s’il est élu de permettre au peuple d’inventer une nouvelle constitution pour une nouvelle république ! Ouf, je pourrais donc quand même voter pour un candidat de cette grande mascarade. Merci toutes celles et tous ceux qui ont permis cette candidature et toutes celles et tous ceux qui voteront pour ce candidat !

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(1) Siéyès eut le mérite un an avant la prise de la Bastille de dénoncer les privilèges. Sa brochure "Qu’est-ce que le tiers Etat le rendit célèbre alors immédiatement. Sur cette lancée il participa à la rédaction du serment du jeu de paume, et à la première constitution de notre nation.- C’est ce qui est souvent rappelé. La suite l’est moins.Dix ans après, il est du petit groupe avec Bonaparte qui organise un coup d’Etat qui va mettre fin à la première république, ouvrant la voie à l’Empire.-

Siéyès alors opposera "le gouvernement représentatif" au "gouvernement démocratique",selon ses mots. Il promeut le premier , et rejette le second. Il convient pour lui d’imposer aux citoyens la renonciation à vouloir s’exprimer et à vouloir imposer leurs volontés.-

Cette citation "le peuple n’est rien, il n’existe que par ses représentants", je l’ai découverte en lisant Pierre Zarka. Aujourd’hui, on entend parfois le questionnement d’une éventuelle coordination entre la démocratie participative et la démocratie que l’on nomme ou directe ou participative,je pense que citoyenne serait un meilleur terme.On voit que Siéyès avait jugé qu’elles ne sont pas compatibles.

<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<<< (2) C’est tous les jours presque que nous avons à lire des expressions de ce renouveau qui émerge, dernier en date pour moi :

« …notre demande principale : au peuple le pouvoir, démocratie directe. Ce que, d’après mon expérience, nous pouvons réaliser. »

« …nous voulons la révolution des idées, des formes de parti, de tout le système. Nous devons faire en sorte que le peuple arrive au pouvoir. Si nous le déclarons, le peuple y est prêt. Le peuple veut participer à tous les centres de décision. Il ne veut plus que les décisions soient prises pour lui… » « Quand le KKE dit : « Le peuple au pouvoir », il dit : « le parti au pouvoir. » C’est la grande erreur du grand Lénine. Il a dit : « Je vais arrêter la guerre », et il l’a fait ; « Je vais donner la terre au peuple », il l’a fait ; « Je vais donner le pouvoir au peuple », il ne l’a pas fait….. Il y a 20 ans, dans tous ces rassemblements, il y avait un chef. Plus maintenant, nous décidons ensemble. Dans la société les chefs ont été éliminés. Pourquoi devraient- ils exister dans le domaine politique ? L’Urss avait donné à manger à tous, aboli le chômage. Chacun pouvait apprendre sans limites. Les retraites étaient assurées. Que manquait-il ? La participation aux centres de décision. Et c’est le principal problème partout. Dans le temps, nous disions « socialisation des moyens de production ».Ce que je dis, c’est « socialisation des moyens de pouvoir, et ensuite, de production.

Manolis Glézios, historien et résistant grec, dans l’HUMANITE DIMANCHE du 14 mars 2012, interviewé par Patrick Le Hyaric.

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